Un point de vue beaucoup plus russe
que soviétique

L'accord entre les alliés ne dépasse guère le seuil du 8 mai 1945. On peut se l'expliquer par la vision très différente des protagonistes de "la grande alliance". Cette vision n'est même pas politique, elle obéit plutôt à des principes de géostratégie dont l'évolution ne suit pas les changements doctrinaux.

L'URSS est la puissance la plus concernée par le sort de L'Allemagne. Pour elle, c'est une menace potentielle qu'il faut à tout prix désamorcer. Le choix opéré en 1945 ressemble à celui de Clémenceau en 1919. Il faut démembrer l'Allemagne, la désindustrialiser en confisquant l'appareil productif au nom des indemnités de guerre.

La sécurité du sol Russe n'est pas acquise pour autant, pour Staline, il faut s'assurer de toute incursion en contrôlant un glacis territorial bien à l'Ouest des frontières soviétiques. Là encore c'est l'Allemagne qui est visée en premier. Ce glacis est de deux types. Le premier consiste en un glissement vers l'ouest des frontières de l'union soviétique. Ainsi Staline retrouve approximativement les frontières de la Russie Tsariste. On doit souligner que ce mouvement vers l'Ouest se fait surtout aux dépens de la Pologne et des Etats-Baltes ; mais en ce qui concerne l'Allemagne, il faut noter ici la disparition de la Prusse orientale. La Koenigsberg de Kant devient Kaliningrad, c'en est fini du legs des chevaliers Teutoniques, de la Hanse et de la Prusse orientale.

Après les années quarante, la position de la Russie soviétique n'a guère changé sur le fond.La constitution du Pacte de Varsovie, si elle ne change rien dans l'ordonnancement des armées des pays frères est d'abord motivée par la renaissance de l'armée allemande à l'Ouest. Ne pouvant pas user de la force directement à son encontre, les dirigeants de l'Union soviétique se sont toujours méfiés de la puissance allemande, la soupçonnant de revanchisme. L'objectif constant, jusqu'aux derniers brejnéviens, était de monnayer la résolution de la question allemande contre la neutralisation de l'Allemagne, sa finlandisation. Ainsi, le glacis stalinien serait encore plus repoussé vers l'Est. Cette doctrine stratégique est toujours d'actualité pendant l'affaire des euromissiles.


H.Vessemont 1997